Auschwitz. Je ne vais pas raconter l’Histoire. Je n’en ai pas les moyens. Mais vous dire.
Le premier camp construit est en meilleur état qu’Auschwitz Birkenau II.
Il y a dans les baraques des expositions sur différents aspects du camp. L’arrivée, les « populations », l’organisation… Des traces aussi. Des preuves (s’il en fallait !). De pleines salles de cheveux, de chaussures, de valises, de couverts, et de boites de Zyklon B.
Il y a l’odeur du lilas en fleurs dans les allees. Des ecoliers flashies et bruyants… Tous derrière l’appareil photo numérique.
Des groupes de jeunes Israéliens très voyants, chacun son grand drapeau. Je trouve ça trop. S’afficher ainsi… Sont ils plus « victimes » que les jeunes allemands « responsables » de ces actes qui concernent leurs grands parents ? Je crois que nous sommes les générations du souvenir et que le temps est passe de chercher les coupables.
Je sais que c’est un terrain glissant et je ne cherche pas à exposer de grandes idées, seulement cette manière d’agir qui m’a interpelle !
Auschwitz Birkenau II. Gigantesque, ouvert, détruit en grande partie.
Fin de journée. Chaleur. Grands arbres, grand vent. Menace du ciel. Gris et tendu. On marche. Libres. Au milieu de cet « espace ». Cela permet de « décharger ». Quelques baraques encore debout. C’est la. C’était la. Plus de traces des chambres à gaz ou des crématoires que les nazis ont fait sauter.
Si dans le premier on comprend, dans le second on ressent. Et c’est d’autant plus fort car au milieu de ce « vide », il y a les cris du souvenir.
Oswiecim. En regardant bien, on peut encore trouver des croix gammées dans certains abris bus.
On repart avec un temps ivre. Il a la goutte facile. Et c’est pas de la rigolade. Des averses qu’il est bon d’anticiper. Des bassines d’eau sur la tronche. Coup de tonnerre. Soleil. Et passe…
Liza sauve son troisième oiseau. Elle ramasse des piou-pious un peu sonnes sur la route, les enfourne dans une chaussette dans sa sacoche de tête. Elle s’arrête tous les ¼ d’heures, nettoyer le caca, ramasser une fourmi… elle est assez entêtée ! Au bout d’une demi-journée, je suis à bout d’attendre et d’attendre…
Quand l’oiseau s’est calme, hop, il se barre, sans dire merci.
Et commence la légende de Jeannot. Liza se pose des questions, parle seule, tire nerveusement sur sa clope, tourne en rond, guette le ciel d’un air inquiet… Heureusement, je suis la, avec mon matérialisme lucide et sans cœur, trouver de l’eau, acheter du pain, éviter l’averse… et nous repartons !
Jeannot lui, se marre sur sa branche !
La route. Forets humides, forets ventues, forets sales, forets de nuit, c’est plaisant d’être au milieu des géants.
Seuls. Oui parce que les polonais sont un peu absents. On traverse ce pays dans l’indifférence générale. Ils ne répondent pas vraiment à nos « Djin dobre », on nous refuse plus qu’on nous accepte dans les jardins… C’est d’autant plus étrange et décevant qu’il y a plein de cyclistes ! Il nous reste les bois (nombreux !) et les moustiques (nombreux puissance beaucoup !).
Entre ces bêtes, les forets et les lacs, je crois que nous avons un bon aperçu de ce qui nous attend en Finlande.
Liza se fout des tournioles. « Vas-y pique moi que je t’explose la gueule ! ». « Tiens, tu payeras pour les autre… » (Si si elle parle comme ça des fois !...). Je me marre… et me gratte ! Des fois, on croit qu’il pleut mais ce sont ces cons qui butent sur la tente…
A la veille de Warszawa. Fin de journée. Vent. On sent l’orage qui pousse, qui monte. Le ciel est noir. Abris bus. On décide de laisser passer le grain. Ca mouille. Vent. Bourrasque de sable. Plein les yeux, on se couvre, ça va chauffer. Debouts sur le banc. Eclairs. Pete. Fils qui étincellent, explosent, s’arrachent…
- C’est le bois qui isole ???
- (A moi-même). Qu’est ce qu’il disait M. Petit en cours de techno ? Ah mais j’ai donc rien retenu… (Haut). Liza, pas de panique, je crois que le bois isole !...
- (Visiblement excédée). Oh ta gueule !! (si si elle parle comme ça des fois !...). Eh toi la-bas, t'as pas une clope ??
- Liza, Liza…
- MON ROYAUME POUR UNE CLOPE ??
- Liza, c’est sur, le bois isole !
Souffle. Arbre sur la route, branches qui volent, pluie battante, fils encore… a terre cette fois ! Serpent mort. Etincelles, peur. La route est coupée.
Et passe le gros. Calme. La furie vole plus loin, l’espoir renaît, ce n’est plus qu’une pluie épaisse qui rince le sable de la route et les têtes rouges de « pivot » au seuil du bar.
J’entends souvent dire, a droite, a gauche, que nous sommes des touristes…
Touristes mon cul ! Nous sommes des aventuriers !!
On continue. Débris de foret sur la route.
Les gros papas jubilent. Ils vont pouvoir salir leur 4x4 et en justifier l’achat : ils passent dans le fosse ! Tout en expliquant a leurs enfants la complexité du moteur.
Les autres. Ceux qui n’en finissent pas de redresser la tôle de leu Clio démolie, engueulent leur guenon de femme que c’est pas des vêtements pour le dernier qu’il faut acheter mais… ça ! Ce… le quaquate de les rêves a moi !...
Plus loin, on a assiste a des scènes de sauvetage inoubliables. Des paysans trempes courant chercher leurs vaches abasourdies, des camionneurs camionnant des voitures retournées dans le fosse, des gens du peuple (qui se lèvent tôt), dégager la route a coups de tronçonneuse délirants.
Vraiment, l’Homme devient Beau et Grand lorsque la Nature s’ébroue…
Les voitures, pressées, affolées, cherchent le raccourcis, s’engagent, se perdent, ressortent crottées…
Encore des miettes de pluie et les voisins se regroupent autour du chêne qui a défonce les nains de jardins. « Nan mais dis donc, on a jamais vu ça, c’est y des manières de casser la maison des honnêtes gens ??! ». On en parlera jusqu'à l’hiver… quand on brûlera ce tronc…
Encore trempée que la route est dégagée, des pompiers héroïques coupent le marronnier qui barre la route. Faudrait pas que les gens aient à attendre… Non, le monde tourne, il ne faut rien rater. Pas le temps de prendre le temps de regarder le temps !
Effacer, re-enclencher le bourdonnement et la vitesse. Pas de traces.
Maman, Mman, y a plus internet… Et comment je vais tchater ma vie a mes amis ???
Mais Maman… Maman ! Y a plus d’eau chaude… comment je vais laver mon corps ??!
Et je m’enflamme et je délire et ça fait du bien ! Vive la Nature qui éternue et qui pete tout. Vive les soirées à la bougie. Merde à la TV. L’Humain est un petit pois !!
Et ces connards d’écolos qui se marrent derrière leurs rideaux…
« Chérie, tu penses quoi des panneaux solaires ? ».
(Juppé a l’écologie… il est donc recyclable a l’infini ce déchet ??)
Apres cette démonstration de force, on n’est pas chauds pour le camping sauvage. De refus en espoir, on demande a deux gaillards qui demollissent un mur. Pas de problème pour la tente… venez donc dormir a l’intérieur…
On cause russe, français, anglais, polonais, chacun trifouille son imagination…
Ce sont des joyeux, des souriants. Ils veulent qu’on reste à la fête des pompiers du lendemain. Mais c’est déjà bien rond en France, alors ici…
On refuse poliment.
Varsovie le lendemain où nous restons 3 jours. On nous a prête un appartement grand luxe, l’occasion est bien belle de souffler un peu.
Lessives en tous genres, dodo a gogo, petits plats plus amusants que la rengaine pâte/sauce tomate.
On tombe malheureusement sur les jours de fermeture des musées. Je tente de retrouver des traces du passe Juif mais tout a fondu dans l’Histoire… Quelques fragments du mur du Ghetto et des monuments…
Si j’ai bien retenu la leçon, la ville a été détruite par les nazis en représailles du Soulèvement. 84% des bâtiments détruits et 650000 morts.
Cela en fait une ville moderne, de grands axes, vides… Tout est cache et triste. Loin du charme (il faut l’admettre !) de Cracovie…
On en apprend de bonnes avec Antoine (l’ami qui nous a prete l’appartement) et sa femme Kachia. Il parait que la Pologne a change en 15 ans et que le pays a adhere à l’Union Européenne pour échapper aux mains de la Russie. Plus pour trouver stabilité et paix que par conviction. Les politiques sont tous plus ou moins corrompus et branques, la preuve avec les lois qui sont soumises au Parlement. Une moitie serait incompatible avec leur Constitution, l’autre avec les règles de l’Europe…
Ca fait du bien d’entendre ça. Disons qu’on range un peu la langue de bois… Cela me rappelle la phrase de Durukan a Istanbul : «L'Europe est un rêve magnifique, mais un rêve malgré lui-meme…» (voir rubrique L'Europe).
On repart le 16 mai avec la pluie. Direction la Mazurie.
On commence a être perturbes dans notre sommeil. Il n’y a pas de décalage entre ici et chez vous, alors le soleil se lève très très tôt ! Il fait vite chaud dans la tente, on se lève d’un coude… mais c’est encore flou…
Vers 8h, on sort en nage, vite remis dans le bain par les moustiques qui n’en perdent pas une goutte…
Mais alors, en fait de Paradis, la Scandinavie, ça va être l’Enfer ??
On traverse des contrées magnifiques, c’est plus agricole que dans le Sud, encadre de bois, maisons isolées au bout d’un chemin de sable, routes calmes… c’est du (très bon) gâteau !
Toute cette harmonie me tourmente l’esprit et me voila à dessiner des maisons, des plans, intérieur, extérieur… C’est y que j’aurai besoin d’un « chez-moi » ?
Le soleil commence à préchauffer l’été. Fin de semaine en Mazurie. Nous sommes sur de petites blanches. Seuls au milieu des bois.
Douce montée pour redescendre sur un lac, le contourner et repartir au frais de la foret. Déjeuner sur un tronc fraîchement coupe. Le cul plein de sève. Ecouter l’oiseau, le daim, l’antilope et les autres poissons du feuillage. Un papillon blanc sur la chaussure. Une automobile bile bile… Monsieur promène Sadame dans le quaquate…
Et puis il finit par faire franchement chaud.
- C’est l’été ?
- Ca y est ?
- Oui je crois…
- TOUT LE MONDE A POIL !!!
Jardiner en maillot de bain, tondre les miches a l’air, débroussailler en slip, on sort les bides, on expose le gras. Glace à l’eau et barres chocolat. Les bolides a 1000 a l’heure, la peau nue colle au cuir. Ca dragouille les filles mais les filles sont prudes cette année.
Boit de la bière à pas t’en relever… des gars dans le fosse. Ronfle et ronfle… On passe. Non assistance a personne en danger ? Oui mais s’il fallait relever tous les alcooliques…
On dépasse tout ça et on se retrouve à dormir dans une cathédrale… d’arbres !!! Immenses, la lumière ne touche plus terre. Au menu, pâtes au lichen avec sa sauce de moustiques marines (ces couillons s’ébouillantent avec fureur…). Nuit étrange, toute en aboiements, en coups de feux, en délires (?) et en faux réveils…
La Lituanie approche. Le goudron fond et ralentit notre avancée. 28 degrés a Suwalki (la dernière grosse ville polonaise) dans l’après midi. Ca nous semble difficile à vivre. Disons que la transition est un peu brutale.
On faisait les malins a pas se laver 10 jours durant mais la, en fin de soirée, le mélange crème solaire, anti-moustique et sueur irrite un peu. Heureusement, ça ne fait que 3 jours qu’on mouille le maillot et on a toujours pu se rincer un peu…
Que nous réservent les pays baltes ?
Ah ! Mais ça, c’est une autre histoire…