L'Ukraine. Juste apres la Moldavie.

     8 km droits de Roumanie "fin du monde". Sortie de l'Union. Puis l'attente...

     On ouvre les portieres. Il fait chaud. Le passage se fait par groupes de 5. De grosses voitures aux vitres fumees doublent tout le monde, bakchich et puis s'en vont. Ca ne rigole pas. Heureusement, plus besoin de visa, alors nous rentrons facilement. Passeports et tampons dans un coin.

     Zou, nous voila en Moldavie... pour 2km !


     Le temps d'arriver au passage avec l'Ukraine. Encore plus serieux. Le coup du chien qui sent la drogue et des questions a 2 balles. Remplir des formulaires d'entree et de sortie. On a envie de se marrer mais ils sont pas joueurs...


     J'avais betement oublie de signer mon passeport, ca les a pas detendus... Le fait qu'on soit en velo les deboussole. Le chef vient nous reposer les questions idiotes. Memes reponses. Alors circulez.


     Un Italien dans sa belle Audi et ses beaux vetements nous demande innocemment si nous parlons russe ? Non. Et de nous decrire la premiere ville comme tres pauvre, dangereuse... A l'ecouter, nous sommes perdus !

     La ville en question n'a rien de terrible, mais on en sort vivants. Bien sur, c'est moins chic que Venise...

     Les filles en tenues legeres et kitches, le nombril d'attaque...

     Nous mangeons dans le parc. Legerement en friche. Nature... A cote des vaches et des chevres, sous le regard de Lenine.

     Lenine? Mais je le croyais couche depuis un bout de temps, lui ? En realite, beaucoup de rues, de bustes , de medailles a son effigie...



     Puis route "frontiere" qui longe le Danube...Ca nous rappelle vaguement quelque chose. Rien que la troisieme fois qu'on fait cette longueur, a trois hauteurs differentes !

 


     Les Ukrainiens ont une belle tendance a rouler a gauche. Peu de voitures, mais rapides ou fumantes... Ils ne roulent pas a deux de front pour se tirer la bourre. Arrivent-ils seulement a se doubler ? Est-ce pour jouir de l'immensite ?


     Premiere nuit dans une famille adorable. On peut encore se debrouiller par ici pour la communication, ils parlent Russe, Ukrainien et Moldave ( qui n'est autre que du Roumain ecrit en cyrillique...).


     Le lendemain. 1er tour. Vote par procuration...


     Avant le depart, toute la famille s'assoit, on est ensemble, la route sera longue. Moment de pause.


     La route sera longue...

     Oui.

     Surtout plate...

     Des creux, des bosses, mais de la a parler de collines ou de vallees... non ! Des vagues, en somme. Mer calme. Brise legere et vas-y que ton regard se perd... au loin !

     On peut pas dire que l'on souffre... Le vent est doux. De face bien sur, mais supportable. La ou c'est difficile, c'est qu'il n'y a pas 5 ou 10 km entre les villages, comme dans les pays "normaux", mais 30 ou 50... Ca renforce le sentiment de solitude, de desert humain. S'il y avait des arbres encore...

     Un champ de ble donne naissance a un champ de colza qui precede un champ de ble, qui...

     (La photo est roumaine mais comme ce sont les couleurs du drapeau ukrainien je la prefere ici...)

 


     La Beauce a cote, c'est un jardin d'enfants...

 

     Nous passons la nuit dans une foret "plan quinquennal" (nature range-toi, droite, alignee, voila... c'est plus propre comme ca...). A cote du train. C'est plaisant de retrouver le sol et de manger des nouilles, euh... des pates (Aurelie, je gaffe encore... mais tu sais que depuis la Bulgarie, les gens ne comprenent que "Macaronia" ou "Spaghetti"...), sauce tomate...


     Un SMS tombe, resultat plutot encourageant.

      Allez la France... ouvrons des portes !!!

 

     La route sera longue...

     Oui.

     Surtout plate...

     Un peu l'impression de faire du velo d'apaprtement.

     La gande question reste de savoir comment s'occuper l'esprit. On se dit que c'est grand, plat, tres grand, tres plat, tres tres grand, tres tres plat et ainsi de suite... Ca vire rapidement a la nevrose !...

 


 

     Et Odessa qui est toujours a 200 km ! Des fois c'est 300. Des fois 250. C'est selon... Les gens savent pas bien (impossible de trouver une carte !).

 

     Eh Liza, un village !!!

     Nan attend, tu vas pas me croire... c'est une ville !!!

 

     Sur la route...

     Des side-car petants de fumee. Des Ladas pleins de choux. Des cochons dans la remorque, sangles a la va-vite. Des vaches dans la camionette, autant que possible... Des tracteurs assez proches du char d'assaut ou au contraire bien freles, rouille et bouts de ficelles... Des monstres KAMAZ qui doublent par la droite...

     Des corbeaux partout. Dans le fosse bien sur, ou dans le goudron chaud de soleil... mais aussi dans les arbres. Des milliers de nids, des "croacs croacs" qui peuplent le vent. Bouleaux gigantesques...
     Il n'y a pas ici les coups de klaxons plaintifs, excessifs, sauvages, extremistes des automobilistes roumains (et autres...). J'sais pas si c'est du respect ? Disons qu'on voit loin... Bien sur, quand on sent celle de derriere, qu'on voit celle de devant, pour peu qu'elle roule a gauche, on est conciliants, on se range. Petits. Cyclistes...

 

     Et plus loin, encore ces farceurs de Moldaves qui ont 10 km de la nationale qui court a Odessa. On change de pays. Mais les formalites sont legeres... Un soldat nous remplit un ticket avec l'heure d'entree. Les villages qui sont sur cette portion ont leur portes gardees par l'armee...

     A la sortie, il faut rendre le papier. Le grand rase au beret vert me fait "Kouda" ?

     (Aie ! D'ou tu viens, ou vas tu ??? Je ne sais plus...). Je lui reponds "Frantzouski". Je pense a Eugene Krampon (fr.wikipedia.org/wiki/Le_Goulag) et souris a l'interieur... mais me retiens car le grand pate a matraque est trop crispe et nous ne sommes pas dans une BD...
     "Circule" qu'il fait signe, et nous (r)entrons en Ukraine...

     Au moins, tous ces soldats qui distribuent des tickets, ils ne font pas de betises...

 

     Bien du mal a se loger a la veille d'Odessa (qui est enfin a 40 bornes... mais le vent nous a aide, 3/4 arriere, on a avale 100 bornes dans la journee...). Un gars qui nous dit d'aller voir plus loin, 3 femmes qui arrivent pas a se depatouiler de nous (il semble inconcevable de dormir sous la tente, ce sera a celle qui nous logera chez elle...).

     Et finalement, dans un autre village ou, de the en repas, on finit par dormir au chaud. L'Ukraine c'est un peu tout ou rien.

     "Smatrit" la TV en buvant de la biere et en grignotant du poisson cru, seche, sale... Le lendemain, j'avais encore le gout au palais !

 

     Je ne me souviens plus de la route pour arriver a la ville...

     Si ce n'est qu'on s'est fait doubler par une baignoire a roulettes, pilotee par deux aviateurs. Authentique ! Pas eu le temps de sympatiser, ils ont file.

     Voir : www.mototravel.info/gallery/2406/ ou www.mototravel.info

     ... Mais de la galere a trouver une turne. Echouer dans un 3 etoiles ***, section pauvres et se laver... Ah, se laver... Le plaisir qu'on y prend... Sentir la colle des jours se diluer, regarder tomber goulument l'eau noire des cheveux shampouines... Ah... Mais faut pas trop que j'en parle, 5 jours ont passe depuis (nous sommes chez Baba), je gribouille le papier et la prochaine douche, quand sera -t-elle ???


 


     Odessa - Notre plus a l'Est. Il n'y aura pas de signature de traite a Yalta, ni de remontee fantastique sur Kiev. La Grande Idee oui... Mais aussi une certaine "peur" devant les dimensions de ce pays, son vent, son plat... C'est pas pour un cycliste... ou au chaud, devant sa carte le cycliste...

     Odessa - Arbres hauts tordus. Poils au cul. Rues charmantes, lumineuses, aerees... Et elles en ont bien besoin... Une Lada dans les champs, c'est comique. 200 dans la meme rue, c'est l'asphyxie !

     Odessa - Ambiance mafia. Voitures aux vitres teintees. Vestes en cuir, gueules verolees, tremblante glauque de billets sales. Ca gerbe !

     Ballade... A la recherche des "marches". Trouvees le lendemain. Mais quel cinema ! Vous n'allez pas me croire, ce ne sont que des marches... Qui descendent sur une espece de plate-forme degoutante ou trone un hotel... Desole de casser du mythe, mais ne faites pas le detour pour ca !



 

     Passage a la gare. Mettre en action notre Grande Idee. Ca passe par le train...


     La gare d'Odessa...

     Les caissieres de la gare d'Odessa !

     Ah, je vous les recommande. Ca vaut un voyage. Les grincheux de la SNCF... venez acheter votre billet par ici...

     Faire la queue. Expliquer c'qu'on veut, avec le dictionnaire dans une main, la carte dans l'autre. Fatalement, tomber sur la mauvaise caisse. Attendre a une autre, qui ne compend guere mieux notre envie... (A cote d'elle, empiles proprement, des manuels qui ont CCCP grave sur la tranche...). Elle ne nous regarde pas en fait, leve son vieux doigt boudine et indique une porte a l'oppose ou nous trouvons d'autres guichets...

     Pas fous, on s'organise. On ecrit le plus lisiblement possible (en Ukrainien..) notre destination, la date, 2 personnes, 2 velos...

     La queue. Sympathiser avec un Ukrainien qui explique pour nous a la fille. Elle nous pose une question, qu'on ne comprend pas, c'est l'embrouille, lassitude dans son regard, elle ne fait aucun effort, ca pousse derriere, "pas que ca a faire"...

     Le prix triple par rapport a ce qu'on avait compris, mais nous sommes en 1ere classe. Probleme des velos qui ne sont pas compris...


     Bref, nous avons 2 billets et si on s'est bien compris, on a un train le lendemain a 21h09 avec une cabine 2 places dans laquelle on peut mettre les velos + sacoches... en graissant la pate du controleur...

     Qu'on moleste le touriste, c'est normal ! Mais qu'on fasse la gueule... Aucun effort pour se faire comprendre. Qu'ils finissent de pourrir dans leurs decombres de CCCP, scleroses de bureaucratie, qu'ils se mafiotisent tous...

     Quoi ? 9 jours dans un pays grand comme 2 Frances et je porte un jugement.. ben c'est du joli !...

     Un sourire auait tout change...

 

     26 Avril - Depart. On se dit que 2 heures d'avance, c'est pas de trop. Tres inquiets a l'idee de devoir corrompre un fonctionaire. Comment faut-il faire ? Combien doit-on donner ?


 


     Lenine sur le fronton de la gare...

     Musique des annees 30/40 qui ponctue l'attente...

     1 heure plus tard, le train arrive. On se precipite. La contreleuse est un peu desarconnee.      Elle me montre notre place qui est grande comme une cabine de douche, me regarde : "ou allez vous mettre les velos ?". Materiellement, ca passe. Mais son idee, c'est nous coucher dans une cabine de 4 lits (a cause des velos) et donc de nous faire payer un supplement... (est-ce la qu'il fallait glisser le billet ?)

     On est pas contre le supplement si l'on peut dormir tranquilles... En fins renards, on lui demande de l'ecrire car les caissieres de la gare d'Odessa... ne sourient pas !

     Reste 3/4 d'heure.

     Je cours, pas besoin de m'expliquer les caisses, je connais la mienne. Attente.

     Horreur, c'est la meme fille que la veille. Elle ne leve pas les yeux, seulement un "c'est pourquoi ?". Je tente un "Bonjour"... oh et puis merde... je lui fourre le papier sous les yeux... "Maisqu'estcequec'estqueca?"... elle le lit.

     Allez savoir ce qu'il y avait d'ecrit, ca la fout en rogne, elle leve les yeux, me reconnait (sans doute, comment le savoir ??...) et se lance dans  des explications ukrainiennes et compliquees. J'la coupe, abregeons les souffrances... et pars !

 

     Finalenement la controleuse veut bien qu'on mette les velos dans la cabine (est-ce la qu'il fallait glisser le billet ?). Nous fourrons nos sacoches sous les couchettes et les velos tete-beche au centre. Liza et Blaise ou comment se saborder les quelques moments de "luxe" dans un voyage...

 


     Mais le plus beau reste que nous sommes dans ce maudit train Odessa-L'viv, que nous n'avons pas verse de bakchich et que nos affaires sont en securite. La, juste sous le nez !

     Nous allons traverser l'Ukraine en une nuit !

 

     21h09 - Le train s'ebranle. Nous quittons Odessa. On se couche rapide. Odeur de caoutchouc, nous dormons la tete dans les roues. Ca tangue, il fait chaud...

     Quand meme l'impression qu'il y a des travioles sur la voie, des trous dans les rails... Plus regulier en France ?

     Tac tac tac...

     On a toujours tendance a idealiser loin des yeux (mais si c'est petit "S" qui l'emporte, moi, je me mets en orbite, j'ai assez de pates pour 5 ans...)

 

     9h09 - Pile a l'heure. Et pourtant les trains ne payent pas de mine. Presque reposes pour une journee, mas la sortie de la ville est laborieuse...

     Les paysages sont plus riants qu' avant Odessa. On se fend pas la gueule mais y a des forets, des lacs...

     Liza peaufine son bronzage, allongee dans les pres, en attendant que l'eau monte...



 

     Un refus pour la nuit et finalement, une vieille et gentille "baba" nous prend sous son aile. Nous dormons chez elle. Coup de "chprit" et fricassee d'oeufs. Nuit. Nous allons voir sa fille au village. Nous remangeons. Nous rebuvons. Bonne rigolade dans les incomprehensions de la traduction et le flou des mots : ils ont coupe leur vodka avec une espece de liquide "Made in USA" a 96%. On rentre ensemble, tout le monde fait notre lit. Baba dort dans une petite maison a cote, pres des vaches...

     Le lendemain, je me plains d'avoir un peu mal au crane. "Lisoutchka" (Baba l'appele comme ca...) se moque et me dis de ne pas abuser de l'alcool a bruler... Facile a dire... J'ai le role du "male" qui doit boire de petits godets cul-sec... Bien tasses.... Et pas qu'un... J'ai beau hurler des "tchutchut" (un petit peu)... : on a pas les meme valeurs !

     Baba n'est pas la. Elle finit par revenir, elegante et chaussure a talons, avec un gros homme (le maire) et un voisine. Y a un probleme de vache... cela se regle autour d'une soupe et d'un coup de "chpirt" !

     DAYBOR !


     Baba a un invite de marque, elle court partout, pieds crasseux dans les collants. Fait l'effort de se chausser dans un premier temps... mais ca presse, et... cavale d'une maison a l'autre... en bas sans chaussures !

     On ne sait pas si le probleme de vache est regle mais tout le monde est rond !

 

     Et hop, on reste deux jours avec Baba et sa fille, naviguant d'une maison a l'autre... On ne fait que manger et boire, elles nous forcent presque, le "un petit peu" ukrainien est tres dangereux pour la sante ! La peau du ventre se tend. D'autant plus que tout est a base de patate, d'oignons, d'oeufs, c'est basique et terriblement long a digerer ! Leur liquide (c'est pas QUE de la vodka...) dissout un peu les particules... les neurones avec !

     VSIO KARACHO !!!

 

      On a eu l'occasion de voir un peu du village, et ca fait peur  car il y a des ivrognes a tout bout de rue... Des gars qui rentrent pas droit a la maison, qui chopent un gosse au passage pour rire, poursuivi par la mere horrifiee... De la a dire que tous les ukrainiens sont des soulards, non... je suis pas comme ca ! Mais pour etre franc, on a pas eu un seul contact a jeun avec un "male", ou alors c'etait tres limite...

 

     On aide Baba pour les travaux menagers, elle nous montre la traite des vaches, la preparation de la creme et du fromage. On est prie de goute a tout. C'est terrible d'etre gave comme ca !

 


 

 

     Le 30 Avril on part, il en va de notre survie... mais sur que l'on reviendra, l'accueil qu'on a eu etait tellement desinteresse et genereux ! Nous partons avec assez de vivres pour traverser la Pologne ! Les retrouvailles avec la bicyclette sont laborieuses, genre "les jambes pleines". Nous arrivons vite a la frontiere... encore une franche partie de rigolade !

 

     Le coup du ticket, qu'il faut aller faire tamponner chez deux gars avachis, 200 metres plus loin. Controle des passeports en face, avec le ticket... Le soldat demande 10 fois si on s'appelle bien "Blaise" et "Liza", alors qu'il a nos gueules sous le nez... Et ca passe !

     Par groupes, nous attendons l'ouverture de la barriere polonaise. On entend un bruit de scotch diffus... Dans les voitures, sur les scooters, on se colle des paquets de cigarettes sur le bide, les jambes, c'est incroyable ! Au passage pour pietons qui nous voisine, tout le monde explose les cartouches pour s'en fourrer dans les poches, dans la capuche des gros manteaux (alors qu'il fait un soleil radieux...)... J'en crois pas mes yeux, la police polonaise est a 150 metres, ils doivent l'entendre ! Ca me degoute pas mal. Tout ca... pour des clopes !

 

     Controle des passeports, legere fouille et circulez...

     A benir l'Europe, Vive l'Union...


     Nous entrons en Pologne, mais ca, c'est une autre histoire...

 

Retour à l'accueil