C'est donc la, nous y sommes, 30 Mars, 19h45, l'epicentre du mal... Le pays de toutes les horreurs, les diableries, les mechancetes, de tous les malheurs, le pire des pays en somme... enfin pour certains !

     Buna Ziua Tous !
     Il est Odessa moins le quart et nous pensons a l'Europe, cette vieille Europe...
     Voir : www.noirdez.com/paroles/leurope.htm


     Notre plus a l'Est est atteint, nous visons maintenant le Nord !
     Mais avant... la Roumanie.

     Nuit. Il faut attendre le douanier abilite a regarder les passeports. Il tarde... et arrive. Il constate avec interet que nous sommes a bicyclette et francais...
     Nuit. Nous sommes sur nos gardes. Le douanier abilite a regarder les passeports nous libere. Roumanie. 20h00. Nuit. Rien dans les poches, tout dans la tete. A pas de loups, a roues feutrees, nous entrons... Et soudain !!??...
     Un village !
     Les chiens aboient a notre passage. Cabanes, fenetres noires, rien de bien engageant.
     Ou est- ce qu'on va passer la nuit ??

     Mais ca se degage malgre les ombres. Voici Bechet. Le premier village apres la frontiere. Un vieux installe sa petite fille sur le porte bagage de son velo (ul)traviole...
     On les arrete, au secours, besoin d'aide, on a pas notre vocabulaire... Alors on singe la tente,le jardin, dormir, ca ne fait rire personne mais il a compris, il nous emmene au centre ville. Il n'a pas de terrain mais il y a un hotel ici, deux maisons plus loin...

     Hotel... dont il ne reste que le nom...
     Des chambres sans chauffage, ni sanitaires, ni rien, ni propre, a peine mieux que notre "cellule" pleine de puces pour ceux qui se souviennent.
     Et il nous faut payer pour ca. En euros. Une fortune ! Mais pas le choix, partir a l'assaut de ce pays mal fame, de nuit, c'est risque !

     Au reveil, la chambre est a peine plus gaie. On prend pas le petit dejeuner. De toute facon, ils le proposent pas. On se sauve.

     Pas de carte. On prend la route du Nord. Les premieres impressions ?
     "Hommes toques - Femmes foulards - Dacia partout - Maisons colorees - Plus receptifs qu'en Bulgarie - Charettes !!! - Beaucoup velos.. Et j'en ai 8 pages comme ca. Mais je vais vous mettre un peu de liant.

     Dernier jour de Mars. Gris et froid. Cette route est un gros axe degueulasse, des vilages de plusieurs dizaines de km, tout etriques, mordillant le goudron... Nous remontons la vallee du Jiu. Le plus vite possible pour arriver a Craiova, tirer des sous et acheter une carte.
     Premieres courses, premieres surprises : la petite monnaie est rendue en chocolats ou chew-gums...

     Etrange impression d'etre encore descendus d'un cran au niveau de la richesse par rapport a la Bulgarie. Avec le recul, je pense que c'etait le fait de voir toutes ces femmes chercher l'eau a la fontaine ou au puits du village, chose qui ne s'est pas vue avant.



     Il n'y a pas l'eau courante dans les maisons en Roumanie, a part dans les villes et les bricolages pompe/puits de certains... Pas de toilettes non plus, c'est tres souvent la cabane au fond du jardin. Juste apres le chien...

     Mais voila la nuit. Notre premiere vraie nuit. Simnicu de Sus. On essuie notre premier refus. Puis un francais nous avoue qu'on a peu de chances de trouver quelqu'un qui accepte de nous preter son jardin. Et nous envoie a la mairie. Personne. On risque la police voisine. Et avec l'assistance d'un jeune qui cause anglais, on demande ou planter notre abri ?
     Le flic prend la chose a coeur. Il veut joindre Jean-Claude, un francais, directeur d'une ferme qui pourrait nous loger plus "dignement".
     Telephone. A droite a gauche. Pas de Jean-Claude. Injoignable. On va donc le chercher, le policier et moi, dans la Logan (www.dacia-logan.fr) (toutes les polices roumaines en sont equipees...) aux couleus de la POLICIA RURALA. Avec les girophares et sans la ceinture (j'ai bien voulu la mettre mais il m'a fait un geste imperial : "tu es en securite avec moi..."). Impressionnant !
     Premiere fois que je monte dans une voiture de police et c'est "interessant" de voir le regard inquiet des gens sur le bord de la route ("est-ce pour moi ?"), les demarches faussement decontractees et les yeux qui se baissent quand l'Ordre parle...
     Malgre les moyens mis en oeuvre, Jean-Claude est introuvable.
     On rentre bredouilles. Et on finit dans un jardin voisin...

     Le lendemain, c'est le fete des fleurs et quelque part, celle des oeufs...



     Le soleil est revenu, on nous invite plusieurs fois pour un cafe, le dejeuner, un verre... Nous rentrons les velos dans les cours et les gens de nous preciser qu'il n'y a pas de probleme... Rien ne vous sera vole... Comme s'ils se doutaient de quelque chose sur leur reputation...
     Sur toutes les tables (ou pas loin...), il y a cette bouteille anonyme, qui ne paye pas de mine, remplie d'eau... de vie ! On y coupe rarement. Un petit verre pour nous, de grandes lampees pour nos hotes... (Rakiou : alcool de cereales, Tsouika : alcool de prunes...).

     La fete des fleurs. Ca commence sagement. Les tables se dressent, les gens sortent chics, c'est le printemps, l'air est fleuri, la musique n'est pas douce, les villages sont en effervescence... Et la journee passe. Les gens mangent, boivent, boivent, boivent...   
     Au soir, des femmes hilares soutiennent leus hommes tout pourpres de rakia. Les plus solides sont encore au bar et descendent, descendent... La fete des fleurs...
     Et des oeufs car on nous en offre de toute part. Si bien qu'on finit avec 16 oeufs durs, ce qui est plutot difficile a caser !

     Notre premiere maison roumaine. Un couple de 70 ans avec qui on ne se comprend pas, on se devine... Manger sur un coin de table, arroser le tout de tsouika, se coucher devant la TV en devisant sur De Gaulle, Chirac (Chirac, Zidane et De Funes sont les 3 francais les plus plebicites a l'exterieur...) et notre voyage...
     Et puis au dodo. Chambre douillette. On veut aller aux toilettes. La vieille demande si c'est pour "caca", mais non... alors z'avez qu'a faire dans un coin de la cour... On veut se laver les mains, elle nous dit de patienter. On comprend trop tard qu'elle est allee chercher de l'eau, qu'elle nous ramene dans un seau avec une bassine et une tasse, le tout sur une chaise, voila la salle de bain !
     C'est une chose de s'entendre dire que nous sommes chanceux, riches et "va-pas-te-plaindre-y-en-a-des-plus-malheureux", s'en est une autre de la vivre...

     Ou ce qu'ils seront ces pauvres vieux dans 20 ans ??
     (note sur les vieux : Terme completement amical de ce(ux) qui a(ont) vecu et reste(nt) debout malgre le temps. J'suis pas du tout passeiste, seulement touche par les traces de cet "avant". Le present et l'avenir avec plaisir mais finissons de digerer).

     C'est vrai, on ne peut pas demander aux pauvres de le rester, rien que pour nous foutre un coup de nostalgie, de romantisme ou d'exotisme. Mais cette vie qu'ils menent est tellement proche de l'Ideal (cela n'engage que moi...).
Bien sur, c'est dans leur droit d'acceder aux "richesses" dont certains commencent a vouloir se debarasser a l'Ouest...
     Voir : www.ladecroissance.net
     Et si tout devenait aseptise et "mets-pas-tes-coudes-sur-la-tables" comme en France ?
     Yeux qui brillent au volant de ces caddies neufs...
     Enfants de l'Ouest, enfants de l'Est, a quoi revez vous ? Ou allez vous ?
     L'Europe, l'Europe, peut etre la chance de melanger les idees, de "gagner du temps" ???

     Le printemps eclate. Vert fluo des nouvelles feuilles. Arbres en fleurs.





     Villages plus espaces et amenages avec gout... On repeint les maisons. Nettoyage des tapis qui egoutent sur les clotures (en bois tres chouettes ou en beton : plaques moulees...).


     Ca n'arrete pas de circuler, comme s'ils demenageaient tous, un bout de frigo ou d'armoire sur le toit, un sac de patates. Voitures surchargees. Sous la route. Dacia (qui roulent souvent au GPL), marque nationale. Il n'y a que ca. Ou presque.
     Arrogance des nouvelles fortunes qui ne ralentissent pas. 1000 a l'heure. Flambent. Neuves. Ecraser pour plus de place.
     Contraste avec les nombreuses charettes. Tout le monde a le meme modele. A vrai dire, si l'on voulait avoir une representation des moyens de transport, ce serait : 2/4 Dacia, 1/4 Charettes et 1/4 Grosses voitures...

     Quietude des fins d'apres midi ou, dans les rues fleuries, ca papote... Un banc devant bon nombre de maisons ou l'on se retrouve entre voisins.

     Ces vieilles assises sur une planche, en travers du fosse.
     Ces jeunes qui nous voient, ramassent leur velo, nous laissent filer pour mieux nous doubler... s'arreter et nous regarder passer...
     Gitane fumant la clope, au milieu de la marmaille nue, sur la carriole...

     Je danse.
     Vous dire de passer par la, de voir, de profiter de cette richesse, de remplir la case a reves. Ou me taire. Car beaucoup de monde, beaucoup d'argent et tout devient faux...

     On a lachement appele notre voyage "L'Europe a Bicyclette".
     Il serait pompeux de le renommer "Quete des connaissances" ou "des Savoirs"...
     Je n'en crois pas mes oreilles quand ce roumain me dit que les ukrainiens sont des drogues, qu'il faut faire attention a l'armee... Cela ne finira donc jamais ?
     On entendra parler des Rroms aussi... plus tard !
     "Quete du Mechant". Qui est le plus a craindre en Europe ? Qui est le plus con ?      Et ces paroles, ces pensees me renvoient au sort dramatique des peuples Juifs ou Rroms sur lesquels tout le monde s'accorde a penser ("pas moi, les autres...") qu'ils sont mauvais...

     Nous retrouvons le Jiu. Defile de 50 km a travers les Carpates pour arriver a Petrosani (passage des 10 000 km) ou nous resterons 2 jours chez des amis de J.L. Marechal (le celebre Lucuts de tous les commentaires aux articles... et vous alors, quel est votre avis ???).



     Irina et Aurel avec qui nous causons pas mal...
     La question des salaires (on l'aime bien...). Aurel gagne 350 euros par mois (en tant que chauffeur de tractopelle)... alors que son fils en gagne 1200... en Espagne !
     Mais le salaire minimum est de 250 euros et beaucoup gagnent 100...
     Ceci explique les conserves, le cochon, les poules, le potager que tout le monde a...

     Je lis "Que ma joie demeure" de Giono. Ca me fend le coeur. Et surchauffe ma case a reves. Ce pays a les decors et les ambiances de ces romans.
     A 18 ans je voulais sauver le monde. 3 ans plus tard, c'est moi que je tente de sortir du petrin ! Un reve, un autre... peut etre dans cette vie ?

     Nous repartons avec du pain, du fromage, du miel, de la confiture de prunes, du sirop de sapin (voir recette...) et... et... 2 kg de Slanine ! Du gras de porc, tout simplement... Ca se mange avec les doigts, du pain et un oignon. Ca passe bien le midi, un peu moins le matin ou le soir... Liza en raffole !

     On tombe a Sarcsau sur un couple roumano-parigot. Que c'est drole d'entendre "oh la vache" en plein milieu de la Roumanie...



     Nous irons avec eux a la  ceremonie religieuse de Paques. A partir de lundi, on ne dira plus "Bonjour" (Buna Ziua) mais "Christos Enviat" (le Christ est recussite !) auquel il faut repondre "Adevarat Enviat !" (oui c'est vrai, il est recussite !)... et cela pendant un mois ! Au quotidien, nous l'entendrons peu...





     De routes degeulasses en nationales suicidaires, nous arrivons a Brateiu. C'est la Transylvanie. Nous tombons dans une famille ou les hommes portent un chapeau et la barbe, les femmes de grandes jupes colorees et des nattes. On nous invite a rester le lendemain car il y aura la fete, des danses...






     Ils parlent une langue plus rappeuse que "d'habitude". Le guide parlait de ces villages "saxons" habitres par des Rroms. Nous y voila (?)...
     Ils ne cessent de repeter qu'il n'y a pas de probleme avec les bagages, ferment la chambre a clef pendant notre absence pour nous prouver que...
Ils m'appellent Victoro (mon 2eme prenom), c'est plus simple que Blaise...
     Et on ne regrette pas car ils sont adorables. On ne fait que manger et boire, on danse pas et on remange...
     Une amie de la famille nous confirme qu'ils sont Rroms... et pour s'etre ballade dans le reste du village, on a pu remarquer qu'ils sont a l'ecart...
     On se quitte etrangement, un peu froidement. Mais on pense que c'est la gueule de bois, car apres la fete, la fete... il y vait un mariage toute la nuit !

     Direction Sighisoara.




     Cette partie du pays est magnifique, les villages qui ont souvent une eglise fortifiee sont plus trappus que dans le Sud. Rues "couloirs", barrieres des maisons plus hautes.


     Descendre des gros axes, c'est un peu remonter le temps. Chemins de pierres qui arrivent dans des villages sans (presque) une voiture...



     Boeufs ou chevaux aux labours.



     Pretre qui sonne les cloches d'une petite estrade juste a cote de l'eglise.
     Plus loin, un train bleu file, les portes ouvertes...
     12h, des gamins colores rentrent en bandes de l'ecole...



     Tout cela, c'est sans compter sur le fleau (s'il doit y en avoir un...) de la Roumanie.
     Les automobilistes !
     Doubler sans visibilite, griller les flics, mourir 100 fois, a rien, 1 metre...
     Les roumains sont-ils frustres a ce point (le resau secondaire est mauvais...) qu'il faille tout exploser des le macadam retrouve ???
     Nous n'avons jamais eu aussi peur qu'ici, meme sur l'autoroute qui mene a Barcelone... Vraiment un sale souvenir !

     Plus tard, a Racos, apres une nuit dans une cour de ferme, une femme nous donne deux branches de houx... pour la chance. On part confiants...
     Ca commence par un pont genre "Vous etes en Amazonie"... puis par 25 km de chemin forestier completement defonce.


     On ne croise que des moutons, la riviere deborde dans les champs... c'est n'importe quoi.


 
     Le goudron retrouve, je creve deux fois devant un camp militaire, et ces couillons nous prennent pour des espions... Suspicieux, ils tolerent que l'on repare, mais vite...      Vous comprendrez pourquoi j'ai jete le houx...



     On arrive tout de meme a Brasov, ou l'on prend le temps de tomber malades et de se ballader un peu.
     Nous sommes heberges par un membre de Couchsurfing (wwww.couchsurfing.com). Je le note car c'est une belle idee que cette association.      Passage au musee ethnographique, ou il y a deux belles expos sur le tissage (de la fibre au drap) et sur le pain (de la graine au four...).  Giono n'est pas loin... Voila pourquoi mon extase devant ce pays, ce printemps peut enerver... discours de plante verte surexcitee... je suis gaga !

     De Brasov. il faut repasser les Carpates. On s'attend au pire. Surtout que notre contact dit qu'il y a 25 km de montee et "moulte serpentine"( c'que c'est drole cette langue parfois!).

     Mais cela se revele etre l'une des grimpettes les plus plaisantes du tour! 15 km de faux plat et 10 de doux lacets, pour arriver au col a 1000m, au pied de montagnes grandioses, qui elles sont beaucoup plus hautes !



     Redescente sur Comarnic, le village que Jean-Luc a jumele avec Savigny-le-Temple en France, ou nous sommes recus par un ami professeur de geo, a qui nous pouvons poser toutes nos questions de terrain.

     J'arrive a me debarasser de ma faiblesse, mais c'est Liza qui la recupere. On a besoin d'une bonne pause.

     Puis nous filons vers le delta, l'Est.
     Liza est en compote, et le vent que nous trouverons apres notre passage du Danube n'aide pas. On roule sur Tulcea, l'espoir de pouvoir passer en Ukraine est faible, mais on se dit que s'il y a un bateau, on pourra ainsi profiter du Delta. D'une pierre deux coups.
     Ce Delta est grand comme un departement, et depuis la grande idee, nous sommes titilles d'avancer plus vite.

     Apres bien des heures de bataille contre le vent a travers un paysage lunaire de champs nus et de jeune colza, on arrive dans ce cul de sac de Tulcea.




     Des rues et des hotels, des bateaux et des bus, il pleut, le Danube est agite de vent, Liza de fievre, alors hotel, pause, on joue plus...
     Pendant que Liza recupere les 8 mois de sommeil qu'elle a perdus, je vais au port.
     Pas de bateau pour l'Ukraine, ou alors c'est 300 euros. On est venus ici pour rien.



     Si vous regardez la carte precise, on a fait une boucle dans cette region, car nous devons revenir 80 km vers l'Ouest, repasser le Danube, et au niveau de Galati remonter vers l'Ukraine. Mais ca c'est une autre histoire.



     Les deux derniers jours ne meritent pas d'etre lus. S'etre donne tant de mal pour un bout du monde sterile, se perdre et ne rien trouver dans la ville de Galati, puis la zone frontaliere... Non, je n'en parlerai pas plus...

     Je ne peux m'empecher de finir en disant que la Roumanie est le pays qui nous a le plus touche.
     Generosite, hospitalite, simplicite... Calme et beaute de la campagne.
     Et le tout "avec plaisir" ( traduction de "cou pletchere")... Dits par un roumain, ces deux mots feraient fondre n'importe qui...

     Bref, nous sortons du pays des sortileges ... avec l'envie d'y revenir !!


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