Excusez-nous de ne pas etre tres ponctuels, mais ce boulot d'ecriture est assez long et prenant. On ne peut pas ecrire sous la tente. Il nous faut une table (celle-ci est grasse et fumee...) et une biere fraiche. Je m'attaque au blog et Liza entame la reponse aux enfants de Le Fay (les ecoliers avec qui nous correspondons et qui doivent s'inquieter... on arrive!)

     Sofia. Fin Mars. Les gens defilent, les trams etincellent, les filles sont nues et les garcons muscles. Mais tout ceci n'a rien a voir avec Istanbul ou je vous avais laisses... Retour en arriere.

     2 Mars. 17h. La traversee de la Mer de Marmara. On debarque dans le grand bouillon. Durukan au rendez-vous. On suit sagement, essayer de ne pas le perdre et de ne pas se faire renverser. (Je regarde la rue de Sofia (1,2 millions d'habitants), et elle fait franchement ville de province a cote de ce grand cirque qu'est Istanbul (11 millions d'habitants)).

     On reste deux jours dans la p'tite piaule de notre C.A.C. en or, ecrire, lire et poser les questions qui nous brulent les levres.

     Le 4 au soir, nous traversons le Bosphore pour retrouver les Fresnais a Cengelkoy. Et la, il faudrait decrire les retrouvailles. Ca ne vient pas, je ne vais pas forcer, et puis c'est peut etre plus a moi qu'a tous...

     J'en profite pour remercier tous ceux qui ont pris la plume pour nous ecrire. On va repondre, c'est promis. Mais de France nous avions demande des bouquins et il nous faut les finir. C'est une faim que l'on ne peut retenir...

     Bref. J'ecris mais je ne dis rien.

     Une semaine, main dans la main, les bateaux, les mosquees, petits thes, gros marches, bonnes "pitas", longues ballades, petits mots, on echange, on se retrouve, on decouvre...

     Plein les yeux, les oreilles, rues marchandes, commerce (s'il ne fallait retenir qu'un mot...), baklavas (tu vois Louise qu'on en est pas morts !!), c'est gras, c'est grand, c'est fatigant...

     Je suis mauvais sur les villes, mais celle-ci est particulierement riche. Pas en y passant une semaine qu'on la vit. C'est tellement foisonnant, tordu... mes mots s'y sont perdus. Allez-y rapidement. Inch'allah !

     Une semaine et deja on se separe... L'avion pour les plus presses, le velo pour les obstines. En route, en selle, un detour par chez Durukan, des crepes, de la guitare et au lit.

     Repartir, on ne pense qu'a ca. Retrouver la route. 10 jours de pause et on ne tient plus en place. On n'arrive plus a se concentrer sur le reste. Faut qu'on retourne au charbon. Creuser ses envies...

     Ce voyage durera une vie. Ce n'est pas le velo qui importe, mais retourner la terre. A la recherche. A la fuite. A l'explosion. L'Europe, terrain d'entrainement.

     "Labourer la mer" comme dit le berger. Fermer les yeux, croire, passer le temps. Il faudra plus de km que ca pour me fatiguer. Manger la pomme et meme le trognon. Vivre nu. Compote. Il est temps de grandir. Il est temps de partir.

     Alors zou, Liza recupere son velo car elle avait explose sa manette gauche, et le 13 on arrete de ronger les freins. Dudu nous jette de l'eau au depart, pour la chance. Mais ca devait etre un petit verre...  Au coin de la rue, le vent est de face, le crachin nous coule dans le cou. Plus loin, a la pause, on a meme des grelons dans le saucisson .. (c'est vrai que c'est pas fin de manger du porc ici, mais c'est tout de meme la base avec les livres et le camembert).

     On se faisait tout un film de cette sortie du "monstre", mais il nous a suffi de remonter le Bosphore sur sa partie occidentale, et de tourner a gauche apres 26 km. Et nous voila dans la nature. Incroyable!

     La journee passe, mais ces 10 jours de pause nous ont casse et c'est du loukoum qu'on a dans les cuisses... Toujours ce crachin, zones industrielles, beton, bouillasse, les velos sont immondes. La nuit tombe,les mosquees s'illuminent, les muezzins s'enflamment et pas de place pour notre tente.

     Dans une cote, une voiture s'arrete et le jeune qui en decoule nous pend en charge, parceque, bien sur, "we need help!". et toujours le meme deroulement. De thes en poignees de mains, en sourires, de questions en attentes, rebondissements, nous voila chez l'imam du village.

     S'en suit une etrange soiree, ou l'on rencontre son frere par camera interposee, et ou il nous faudra ecouter patiemment un long monologue sur les religions, l'Islam, le prophete...

     C'est moche a dire, mais on est contents de partir, car ces discours nous font peur et que l'on a vraiment du mal avec notre statut d'invite.. nous ne pouvons ni desservir, ni faire la vaisselle. Il nous faut accepter d'etre servis par cette ombre qu'est la femme de la maison, de manger seuls... toujours cette rigidite, cette tension, ces tabous... Malgre toute cette attention, cette serviabilite, on etouffe un peu.

     On repart avec encore plus de vent que la veille. Vent de travers, de face, si fort qu' a plusieurs reprises on risque de se noyer dans le fosse. Alors quand ce gars qui "teste" un bus nous propose de monter, on dit pas non, meme si c'est pour 10 km...

     A 16h, on jette l'eponge, faut pas abuser... En plus d'etre agite, le paysage est sans interet. On demande a ce vieux, sur ses gardes, il accepte tout de meme que l'on plante notre tente dans son jardin. Bien sur, cela ne se termine pas si simplement, son fils (13 ans) vient faire connaissance, nous invite boire un the, et si on mange la et... vous savez, il fait froid, ce matin il y avait de la neige, dormez la ! On nous l' avait pas encore fait celle-ci... On arrivera pas a reprendre un rythme normal, se coucher tot je veux dire, car il faut de nouveau raconter le voyage a la famille, aux voisins... Le lendemain, on nous invite a rester, mais on se surprend a dire "non" (le plus gentiment possible) car on veut vraiment en decoudre.

    La route, champs vides, rases de pres, collines, vallees... On constatera a Edirne (avec une carte plus precise) que l'on a pris les rivieres dans le mauvais sens, on les a toutes coupees a la perpendiculaire... Cette rencontre a Pazarli avec les jeunes du village. On demande a deux d'entre eux s'il y a une place dans le village pour une tente, ils nous emmenent sur le terrain de l'ancienne ecole du village. Disparaissent. Et reviennent a 9, avec du coca, posent les questions dans le noir puis autour d'un bon feu (c'est des bouts d'ecole qu'ils brulent, quel symbole horrible !!).



      C'est la qu'on remarque nos lacunes en foot. Ils sont avident de Zidane et des autres, on ne connait rien a ces histoires, meme en cherchant bien ! (si quelqu' un a des fiches pratiques...).

     Reveil au canon ! Faut dire qu'on s'approche d'Edirne, donc de la Grece et de la Bulgarie ! Deux pays qui ont interet a bien se tenir car les Turcs s'entrainent... Chars dans les vallees, casernes sur toutes les collines et dans les villes... Ca devient tres vite oppressant ! Un exemple tout bete. Une cote, j'attends Liza.

 


     Mais je suis devant les barbeles des grosses bottes, et je m'entends dire que j'ai pas le droit de stationner ici, zone militaire, securite... Oui mais j'attends ma copine... Oui mais je veux pas le savoir, circulez ! Tout ca pour un pauv' champ tout troue de leurs bombes...

     Notre avant-derniere soiree chez un couple qui a travaille 35 ans en Allemagne. La femme porte une "couverture de tete" legere mais l'enleve comme ca lui prend, meme devant nous. Elle dit que les hommes rigolent d'elle quand elle est en ville, tete nue. Ils sont idiots qu'elle dit d'eux. L'espoir serait-il dans l'education et dans le voyage... :-)

     A Edirne, on cherche desesperement a claquer toutes nos Liras. Et on y arrive pas. Bon hotel, grosses courses, pas moyen... Que ceux qui projettent d'aller en Turquie nous fassent signe, j'ai quelques billets a vous avancer ! Et puis quitter ce pays, le premier qui a su nous accueillir sans chi-chi... Nous repartons heureux d'avoir vu, d'avoir rencontre cet Autre que l'on nous presentait si "horrible" ! Mais nous savons que le "pire" est a venir... C'est une autre histoire...

Retour à l'accueil